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ERP - Quand l’intégration déraille

C’est une histoire dont on m’a fait part il y a un an et j’ai obtenu des éléments pour comprendre. Histoire vraie d’une migration qui a fini au tribunal — et comment éviter d’en arriver là.
16 septembre 2025 par
ERP - Quand l’intégration déraille
AUGURIA, Cyrille de LAMBERT

Actualités Auguria

Pourquoi lire ceci ?

Parce que presque tout le monde, un jour, doit remplacer un vieux système par un ERP moderne. Et que la différence entre un beau projet et une galère tient souvent à des choses très simples : des moyens réels, des décisions écrites, un rythme tenable. Ici, on raconte une histoire qui ressemble à tant d’autres — puis on donne la méthode pour que la vôtre se termine bien.

Le décor

Côté client. Une coopérative très vivante, des utilisateurs nombreux et variés, un logiciel comptable en fin de vie et des petits outils maison bien pratiques. Ambition : tout réunir dans un ERP, avec de la comptabilité légale et analytique, des portails externes et des droits fins.

Côté prestataire. Un intégrateur sérieux et motivé, méthode agile, sprints de deux semaines, promesse d’y aller par étapes. Un budget de départ modeste, « pour lancer la machine », avec l’idée d’ajuster ensuite.

L’histoire synthétisée

Basé sur un cas réel qu'on m'a soumis il y a un an

Acte I — L’élan. On démarre fort. Les premiers ateliers se passent bien. On livre des débuts de fonctionnalités. Tout le monde a envie d’y croire.

Acte II — La montagne derrière la colline. Un portail externe apparaît comme le sujet majeur : des centaines d’utilisateurs, des profils d’accès très fins. Une première voie technique est tentée… puis abandonnée : risque sur l’accès aux données. Il faut tout revoir, plus solide — donc plus long.

Acte III — Le temps s’allonge, les moyens manquent. On prolonge « pour finaliser » des sprints, mais la liste des travaux grossit plus vite que la capacité. L’intégrateur annonce des renforts, des recrutements… qui n’arrivent pas. Les profils clés tournent, la réactivité baisse. Le client, de son côté, collabore : il arbitre, renonce parfois à des demandes trop lourdes, et propose même l’aide d’un tiers pour débloquer le portail.

Acte IV — Le couperet. Plusieurs sprints sont « finis », un sprint crucial est à 75 %, mais la migration n’est pas livrée. La relation se rompt. La suite se joue au tribunal.

Où tout a basculé

  • Sous-staffing chronique : la capacité réelle inférieure à la promesse. Des renforts annoncés mais non actés, des départs non couverts. Le projet s’essouffle.
  • Choix techniques hésitants sur le portail : un aller-retour coûteux qui retarde tout le reste.
  • Sous-estimation initiale : la sécurité et les droits n’avaient pas été cadrés avant d’industrialiser.
  • Peu de replanifications “officielles” : on prolonge, on espère, mais on ne réécrit pas assez vite le contrat du projet (ce qui est fait / ce qui n’est plus fait / les délais et moyens réels).

Leçon simple : Avec les moyens, un projet encaisse. Sans moyens, il casse..

Un cas réel qui a coûté très cher au prestataire

Cas réel ; montants décidés par les juges. Les intérêts évoluent selon l’année et la date de paiement.

Ce que la justice a imposé de payer

  • Dommages-intérêts (projet non livré exploitable) : 120 000 €.
  • Participation aux frais d’avocat de l’autre partie (article 700) : 5 000 € en première instance, 10 000 € en appel.
  • Frais de procédure (dépens) : 74,50 € en première instance ; ceux d’appel seront fixés plus tard.
  • Intérêts au taux légal : ils s’ajoutent aux 120 000 € jusqu’au paiement.

Sous-total visible (hors intérêts et dépens d’appel) : 135 074,50 €.

Ce total ordonné est supérieur aux sommes facturées et encaissées par le prestataire.

Ce qu’on paye aussi dans la vraie vie

  • Avocats : souvent plusieurs dizaines de milliers d’euros selon la durée et la complexité.
  • Temps interne : réunions, collecte de pièces, suivi — jamais remboursé.
  • Assurance : franchise, hausse de prime possible, parfois exclusions selon les contrats.
  • Exécution provisoire : on peut devoir payer tout de suite, même en cas d’appel.
  • Réputation : références fragilisées, opportunités perdues.

Comment éviter d’y aller (la méthode qui protège)

1) Poser les bases avant d'avancer

  • Diagnostic écrit et signé (ce qu’on remplace, ce qu’on garde, les flux).
  • Sécurité et droits : un test préalable sur le portail avant tout développement massif.
  • Migration des données : volumétrie, qualité, jeu d’essai validé.

2) Dire noir sur blanc ce qui rend possible la suite

  • Hypothèses / exclusions / dépendances co-signées (et mises à jour).
  • Engagement de disponibilité des équipes : qui, combien, continuité, règles de remplacement.

3) Replanifier officiellement

  • Toute demande de changementnote écrite (coût, délai) avant d’avancer.
  • Si la capacité baisse ou que la complexité grimpe : avenant (périmètre/délais/budget) ou pause assumée.

4) Piloter au rythme juste

  • Comités réguliers avec comptes rendus clairs : décisions, risques, actions, date butoir.
  • Jalons “go/no go” : si ce n’est pas prêt, on replie proprement, on ne s’obstine pas.

Règle d’or : on signe ce qu’on fait, on fait ce qu’on a signé.

Check-list express

Objectif : que chacun sache quoi produire, par qui, pour quand, et comment on le prouve.

  • Diagnostic signé — note de cadrage, cartographie des flux, périmètre remplacé/conservé (PDF daté et signé).
  • Sécurité & Portail – test préalable — maquette d’accès (profils/permissions) + rapport de tests (CR + captures).
  • Migration des données — plan de migration, volumétrie, qualité, jeu d’essai (journal d’exécution + rapport d’écarts).
  • Hypothèses / exclusions / dépendances co‑signées — annexe versionnée jointe au contrat/avenant.
  • Engagement de disponibilité des équipes (SLA) — planning des ressources, capacité minimale, règles de remplacement.
  • Backlog loti & conditions d’entrée/fin — lots autonomes, « prêt à démarrer » / « terminé et validé » tracés.
  • Demandes de changement écrites & signées — fiche avec impact coût/délai/risques, numéro de référence.
  • Jalons go / no go — PV jalon (OK / KO / actions), décisions datées.
  • Comités avec comptes rendus actionnables — CR court : décisions, risques, actions, responsables, dates.
  • Qualité & recette — plan de tests, jeux d’essai, PV de recette par lot, anomalies tracées.
  • Replanification officielle en cas d’écart — avenant (périmètre/délais/budget) avant le sprint suivant.
  • Juridique & assurance — vérification RC pro (périmètre, franchises), clauses conformes.
  • Communication de crise (si blocage) — plan en 1 page (qui appelle qui, sous 24 h, options A/B).
  • Clôture & passation — guide utilisateur/exploitation, inventaire des scripts, liste des accès, PV de clôture.

Glossaire à la portée de tous

  • Méthode agile : avancer par petites étapes régulières, avec des retours fréquents.
  • Sprint : période de deux semaines pour planifier, réaliser, montrer et valider.
  • Backlog : liste priorisée des besoins.
  • Test préalable (ex-POC) : essai rapide pour vérifier qu’une idée est solide.
  • Conditions d’entrée / de fin (ex-DoR/DoD) : ce qu’il faut avant de démarrer / ce qui prouve que c’est terminé.
  • Engagement de disponibilité (ex-SLA) : combien de personnes, combien de jours, et la continuité de l’équipe.
  • Matrice des responsabilités (ex-RACI) : qui décide, qui fait, qui aide, qui valide.
  • Article 700 : participation aux frais d’avocat de l’autre partie décidée par le juge.
  • Dépens : frais de procédure (huissier, greffe…), mis à la charge du perdant.
  • Intérêts au taux légal : intérêts qui s’ajoutent aux sommes dues tant que ce n’est pas payé.
  • Exécution provisoire : on doit payer tout de suite, même si l’on fait appel.
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